Le 30/01/2015

Philharmonie de Paris : 400 millions d’euros pour ça !

Les médias ont été unanimes pour louer la Philharmonie de Paris, la nouvelle salle de concerts symphoniques de La Villette, et notamment son acoustique. L’excitation liée aux concerts d’inauguration y était sans doute pour beaucoup, pour notre part - nous avons pu nous y rendre lors de l’un des premiers concerts - notre jugement sera nettement plus mesuré.

Source : Économie Matin

Philharmonie Paris

De l’extérieur on aperçoit la salle de loin, du périphérique ou dès la sortie du métro, tant mieux, entre la grande halle de La Villette, le Conservatoire et la Cité de la musique (rebaptisée 2), il vaut mieux ne pas jouer les modestes. Mais avec Jean Nouvel, on ne craignait pas ce risque. On sera plus circonspect sur la forme générale, une sorte d’hybride entre la de Berlin et le Disney Hall Concert de Los Angeles, entre l’aspect anguleux de la première et le revêtement métallique de la seconde. Les courbes de la salle du Los Angeles Philharmonic adoucissent son aspect métallique (architecte : Frank Gehry), nullement ici où les angles en renforcent la dureté…

En entrant on est immédiatement frappé par la pauvreté du hall, relativement étriqué, sans aucune décoration d’aucune sorte, d’un blanc neutre d’hôpital qui sera celui de tous les espaces publics. Le sol rugueux prolonge celui de l’extérieur, même le toucher n’invite pas à l’accueil. Les foyers sont bas de plafond, parsemé de lamelles métalliques très années 70, les murs sont blafards, la moquette bas de gamme et même, par endroit, de couleur orange ! On se croirait dans une MJC. Preuve irréfutable du ratage des espaces publics : l’atrium, qui donne sur l’entrée, est complètement excentré et plongé dans l’obscurité, alors que cet espace, et cette vue, sont toujours mis en valeur habituellement. Tout cela fait très cheap, une honte compte tenu de l’argent investi dans ce bâtiment. L’Opéra Bastille a une réputation de froideur, mais à côté c’est le grand luxe !

Changement d’ambiance dans la salle, toute en rondeur et où les teintes boisées rompent quelque peu la monotonie du blanc. Visuellement la réussite s’avère incontestable et chaque spectateur bénéficie d’une vue parfaite sur l’orchestre, le plus éloigné n’étant qu’à 32 mètres du chef. Comme au nouvel auditorium de Radio France (inauguré en novembre dernier), on est plongé dans la « mécanique » de la formation symphonique, des gestes du chef aux interventions des musiciens. Un bon point.

L’acoustique n’a reçu que des éloges, mais l’unanimité, avec la presse, il faut un peu s’en méfier. Effectivement le son est rond, chaleureux, enveloppant ; la première impression s’avère incontestablement positive. Mais en tendant l’oreille on s’aperçoit que le registre grave domine largement, au détriment des premiers violons qui peinent à émerger. Dans la 4e Symphonie de Brahms (nous étions au concert du 26 janvier), ceux-ci furent continuellement noyés alors que la partition les met souvent en avant, jamais ils ne percèrent la masse orchestrale, tous les angles étaient émoussés.

On perçoit en permanence une sorte de halo, cela s’explique : les spectateurs étant rapprochés, le volume de la salle aurait manqué de se révéler trop réduit, et le son trop sec, en conséquence les acousticiens ont rajouté de grandes cavités entre les gradins et les murs de la salle ainsi que d’imposants réflecteurs acoustiques, une enveloppe qui se rajoute à l’espace du public et des musiciens. On retrouve ainsi du volume, donc de la réverbération, mais dans un espace circulaire et complexe, d’où une perte de précision. Le son a tendance à baver, à ressembler à de la soupe. L’effet plaira au spectateur occasionnel, mais le mélomane n’y trouvera pas son compte ; après l’exubérance de la presse généraliste, c’est bien sûr l’avis de ce dernier qui s’imposera.

Tout cela pour 400 millions d’euros, 386 exactement au dernier comptage, c’est bien cher payé ! Voilà qui n’encouragera pas les mélomanes à rejoindre cette salle excentrée (métro Porte de Pantin) et à supporter une ligne 5 bondée à l’heure de sortie des bureaux. Et cet échec rend encore plus scandaleux, s’il en est, l’interdiction faite à la Salle Pleyel de donner des concerts de musique classique, elle qui possède d’une acoustique certes un peu sèche, mais qui a au moins l’avantage de la sincérité et de la clarté.

Publié par Rédaction le 30/01/15

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Par reiller, le 30/01/2015

Vous n’avez pas visité les locaux publics d’un hôpital récent, celui de Cannes par exemple: le gâchis d’argent est bien visible.

Par jvdesuit1 ., le 31/01/2015

Ceci confirme un article paru dans mediapart. Une salle de 2500 places pour des concerts symphoniques n’a aucun sens. Il faut vraiment de la chance pour que ça marche comme aux Proms de Londres au Royal Albert Hall et encore pas tout le temps… On affiche 400 millions d’euros mais rien ne nous dit que par des artifices comptables il n’y en a pas ailleurs. Le pire dans l’histoire c’est que non seulement les mélomanes paient l’addition dont je fais partie, mais aussi ceux qui ne le sont pas, qui ne peuvent pas payer les prix astronomiques de certains concerts qui vont dépasser largement les 100 euros pour être bien placés. Le budget de la ville de Paris est déjà largement dans le rouge et ce sont tous les Parisiens qui paieront la facture! Merci messieurs nos élus de gauche car c’est vous en majorité qui nous avez imposé cet investissement inutile. Il y a près de 12000 places de concerts dans la capitale, les salles ne font pas salle comble en dépit des déclarations mensongères en haut lieux et on rajoute encore 2500 places! On a vraiment de quoi être fiers!

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