Opéra de Paris : 40.000 euros pour un syndicaliste fantôme
Rappel : Opéra de Paris : 52 000 euros de téléphone pour un délégué syndical
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Source : LeParisien.fr
Difficile de trouver un collègue qui le connaisse. Alors que Patrice M. est censé œuvrer pour le bien des salariés de l’Opéra national de Paris, son nom ne dit rien à personne dans les couloirs du Palais Garnier et de l’Opéra Bastille.
Au standard, aucun numéro de téléphone interne ne mène à lui. Même la direction de l’établissement public avoue ignorer son existence. Le hic, c’est que l’Opéra national de Paris a versé 40 000 € par an à la CGT depuis 2013 pour indemniser un syndicaliste… fantôme. Une étonnante situation détaillée dans une note interne que « le Parisien » – « Aujourd’hui en France » s’est procurée.
Dans ce document présenté en conseil d’administration fin 2013, le directeur des ressources humaines de l’époque écrit que l’équivalent d’un temps plein (151,67 heures par mois) est versé à la CGT sous la forme d’une « contribution » « aux fins de mandatement de Monsieur Patrice M., salarié de la CGT ». Faut-il s’étonner que l’Opéra, un organisme public, verse de l’argent à une fédération syndicale pour payer le salaire d’une personne qui n’y est pas salariée ? En interne, certains connaisseurs du dossier se sont visiblement posé la question. Ainsi, fin 2013, un administrateur de l’Opéra signalait au titre de « l’article 40 » cette situation au parquet de Paris, un signalement resté sans suite. Un an plus tard, c’est le syndicat FSU qui, dans une lettre adressée à la direction, estimait : « Le versement de la contribution financière à la CGT pourrait constituer un détournement de fonds. »
«La Cour des comptes n’a rien eu à redire là-dessus»
« Cette contribution est prévue par un accord social. Tout cela a été visé par le contrôleur financier et par la Cour des comptes, qui n’a rien eu à redire là-dessus », conteste Erwan Le Roux, délégué syndical CGT de l’Opéra de Paris, précisant que c’est le Syndicat national des professionnels du théâtre et des actions culturelles (Synptac-CGT) qui encaisse les sommes. Effectivement, le montage a été entériné par un accord social daté de 2010, signé par trois organisations syndicales (CGT, CFDT et FO) « Un accord légal », précise, un peu gênée, la direction de l’entreprise, tout en ajoutant que la question de sa renégociation est ouvertement posée… L’accord de 2010 précise cependant : « L’action de ce salarié mandaté devra être réalisée dans l’intérêt du personnel de l’Opéra national de Paris. » Secrétaire général du Synptac et régisseur d’un théâtre dans une ville du centre-ouest de la France, quelles « actions » a donc mené Patrice M. en faveur des salariés grâce aux 151 heures par mois payées par l’Opéra ? Contacté par téléphone, ce dernier estime qu’il a participé à un « dialogue social » avec l’ancienne direction.
Comment expliquer que personne à l’Opéra de Paris n’ait jamais entendu parler de son existence ? « C’est parce que les gens ne sont pas curieux », répond-il avec aplomb. Lorsque notre journal lui demande : « Vous souvenez-vous de ce que vous faisiez pour les salariés de l’Opéra ? », la réponse est des plus évasives : « Je m’en souviens bien », esquive-t-il, goûtant peu, visiblement, notre curiosité. Ainsi, lorsque nous avons interrogé Patrice M. sur les réunions auxquelles, selon ses dires, il a précisément participé, le silence est de mise. « Bah, vous ne saurez pas. Au revoir et merci », lâche-t-il juste avant de raccrocher…