Le 20/01/2015

EXCLUSIVITÉ — Paris : débats du Conseil du XVIIIe arrondissement autour de la subvention d’1,3 million d’euros à l’Institut des Cultures d’Islam (ICI)

Cet institut, officiellement à vocation culturelle, comprend néanmoins un lieu de culte. Cela pose la question de la séparation des Églises et de l'État aux termes de la loi de 1905, qui dispose que l'État ne finance aucun culte.

Rappel : « Paris : 1 300 000 euros pour l’Institut des Cultures d’Islam ».

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Institut des Cultures d'Islam

DELIBERATION : 18.2014.77 : Subventions (800.000 euros) et avenant à convention avec l’association Institut des Cultures d’Islam (18e).

Jean-Philippe DaviaudJean-Philippe DAVIAUD : Il est proposé d’accorder une subvention, au titre de l’année 2014, de 1 300 k€. Un premier acompte de 500 k€ avait été accordé lors du Conseil de Paris des 16, 17 et 18 décembre 2013. Il est donc proposé aujourd’hui d’accorder le solde, soit 800 k€.

Fadila MehalFadila MEHAL : Je souscris complètement à cette subvention dans un contexte particulier à la fois sur le plan national et international. Aujourd’hui, le radicalisme islamique est en train d’empiéter et de faire en sorte que beaucoup de la jeunesse peut être tentée par ces mirages. Il est important qu’il y ait un lieu structurant, qui ne soit pas simplement à l’échelle de ce quartier ou de cet Arrondissement mais bien à l’échelle de la Ville, pour éclairer sur cette dimension à la fois artistique, esthétique mais aussi philosophique de ce que j’appellerais l’Islam des lumières. Il faut absolument maintenir cet effort. Pour autant, cela ne va pas de soi pour beaucoup. Cet établissement peut susciter parfois quelques polémiques.

Pour que la transparence soit totale, vous pourriez nous éclairer, notamment sur le plan financier. La subvention à la création de cet institut a coûté à l’époque 700 k€. Elle est aujourd’hui à 1 300 k€. Un rythme de croisière est-il envisagé pour l’avenir ? A quel montant, à quelle hauteur ? Il faut le dire publiquement de façon qu’il n’y ait pas d’instrumentalisation sur cette question et que nous puissions avec cet établissement – dont j’ai la chance de pouvoir intégrer le conseil d’administration – construire une programmation de qualité.

C’est un lieu de rayonnement et de valorisation de la création contemporaine africaine mais aussi un lieu de résistance puisqu’il y a eu cette grande et belle manifestation autour de la Syrie. L’aspect financier doit être abordé de façon à lever tous les malentendus.

Éric LejoindreEric LEJOINDRE, maire du XVIIIe arrondissement de Paris : Votre témoignage démontre que M. Vaillant et Bertrand Delanoë ont eu raison de faire les efforts qu’ils ont faits pour permette à ce projet de naître.

Tous les éléments financiers doivent être donnés dans la plus grande des transparences pour éviter tous les fantasmes. Il s’agit bien d’une subvention à l’institut culturel et non pas à la partie cultuelle qui a racheté les mètres carrés à l’intérieur de l’ICI et donc qui est totalement financée sur des fonds privés.

Il n’y a pas de lien entre la partie culturelle subventionnée et la partie cultuelle qui n’a pas à être subventionnée par la République. La Ville de Paris ne la subventionne pas et ne la subventionnera pas. D’ailleurs, nous ne le pourrions pas. C’est une solution originale qui a été trouvée pour permettre justement à l’exercice du culte de se faire dans les conditions fixées par la loi, c’est-à-dire de façon totalement privée, libre et autonome et à la partie culturelle d’exister.

D’autres collectivités regardent avec intérêt le montage tel qu’il a été pensé. Il répond à la problématique qui se pose bien au-delà de Paris et de la Goutte-d’Or. L’ICI a vocation à accueillir les habitants de tout Paris mais aussi de la Goutte-d’Or. La partie culturelle, étant ouverte à tout le monde, est très fréquentée, de la même façon d’ailleurs que le hammam qui est de plus en plus fréquenté. C’est aussi une bonne nouvelle dans le quartier. Ceux qui y sont allés n’ont eu qu’à s’en féliciter mais je n’ai pas testé moi-même.

Daniel VaillantDaniel VAILLANT : Ce montage a été décidé à l’unanimité de notre Conseil et du Conseil de Paris. Il s’agit d’un établissement mixte. Nous subventionnons ce soir la partie culturelle, propriété foncière Ville de Paris, mise à disposition de l’Institut des cultures d’Islam et les mètres carrés cultuels achetés par l’Institut de la mosquée de Paris. Suite à cette initiative, nous n’avons plus les prières, rue Myrha ou ailleurs, que nous connaissions.

De plus, les religions pratiquées en France dans le cadre du respect des lois de la République peuvent et doivent contribuer à lutter contre toutes les formes de radicalisme, d’intolérance, d’intégrisme. Je pense notamment à ce que notre Arrondissement a connu s’agissant de la Fédération [sic] Saint-Pie X.

L’Institut des cultures d’Islam et le lieu cultuel à côté sont une forme de copropriété, de cogestion intelligente. D’ailleurs, les choses se passent bien. Il faut en remercier à la fois les tenants du culte, les animateurs et les dirigeants de l’Institut des cultures d’Islam.

Le montant de la subvention est encore une forme de préfiguration. Le deuxième bâtiment de la rue Polonceau est en construction. De la même manière, il y aura l’institut culturel et une partie cultuelle qui sera vendue à un détenant privé du culte musulman ou une autre association de financement sur fonds privé.

En tout cas, il faudra que le rythme de croisière du subventionnement municipal de l’Institut des cultures d’Islam dans ces deux lieux, Polonceau et Doudeauville-Stephenson, soit établi.

Par ailleurs, notre Conseil est représenté au conseil d’administration de l’ICI. Il se réunira bientôt et fera en sorte notamment que la prochaine période du ramadan se passe dans un bon état d’esprit et dans le cadre des lois de la République.

Pascal JulienPascal JULIEN : Au nom de mon groupe, j’avais appelé à soutenir ce projet. Néanmoins, je reste vigilant au respect de la laïcité. Dans le monde occidental, cela se traduit fréquemment par le fait que l’argent public aide un peu toutes les religions de manière équitable. Ce n’est pas la conception qu’on a dans la tradition de la République française.

La loi de 1905 est claire : l’argent public ne finance aucune religion, en tout cas pour les lieux de culte construits après 1905. La voie étant étroite, on a réussi le tour de force de donner un coup de main à une religion, en l’occurrence l’Islam, tout en restant rigoureusement dans les clous de la loi.

Le Conseil d’arrondissement donne un avis favorable au projet n°18.2014.77/2014.DAC.1148 la majorité soit 42 pour dont 7 pouvoirs (PS/PC-FDG/EELV/UMP-CI/UDI-MODEM) et 1 abstention (Mme BOYER)

Publié par Rédaction le 20/01/15

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Par reiller, le 21/01/2015

C’est raisonnable, et ils savent passer outre un discours trop rigide sur la laïcité: les principes c’est bien , mais il faut aussi savoir mettre un peu de souplesse et d’intelligence (de l’humanité serait mieux) dans l’application.

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