Traçabilité : l’obstination de Bruno Le Roux va-t-elle lui offrir le ministère de la Santé ?
Le JDD note que le député de Seine-Saint-Denis « s’est beaucoup impliqué lors du débat sur le projet de loi santé de Marisol Touraine. Il a notamment sonné le rassemblement de ses collègues pour faire voter, in extremis, l’adoption du paquet neutre. »
Ce que cet écho ne mentionne pas, en revanche, c’est qu’il existe des doutes sur les raisons de cette implication à la limite de l’obsession de Bruno Le Roux dans le vote de la loi santé, notamment sur les questions du paquet neutre et de la traçabilité, comme nous vous en avions fait part en novembre, à la suite des révélations du blogueur influent H16 qui pointait un possible conflit d’intérêts.
Le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Bruno Le Roux, entend en effet imposer le contrôle de la traçabilité des cigarettes par une entreprise indépendante. Or, le marché de la traçabilité est presque intégralement dominé par une société suisse, SICPA.
Ce contrôle de la traçabilité par un opérateur indépendant n’est pourtant pas obligatoire. Le modèle retenu par le gouvernement est en effet celui d’une mise en place par les cigarettiers eux-mêmes, avec le contrôle des données issues du suivi par un cabinet indépendant.
Une différence de taille, donc, puisque dans le premier cas, le cabinet indépendant profiterait ainsi d’un marché public beaucoup plus important.
Les députés favorables au contrôle intégral par un cabinet indépendant arguent de la nécessité de respecter le protocole de l’OMS sur la traçabilité du tabac, mais celui-ci ne mentionne que la nécessité du contrôle en aval des données de traçabilité, et non la gestion de l’ensemble du suivi.
Une directive européenne est d’ailleurs claire à ce sujet : elle prévoit que la traçabilité peut être réalisée en amont par les cigarettiers eux-mêmes, avant le contrôle des données en aval. C’est cette position qu’a suivie le gouvernement lui-même.
Du coup, l’insistance de Bruno Le Roux sur ce sujet pose question. Il est en effet rare qu’un président de groupe majoritaire à l’Assemblée s’oppose ainsi au gouvernement qu’il soutient.
Le Roux aurait-il intérêt à ce que SICPA contrôle l’ensemble de la traçabilité ?
C’est ce qu’impliquait le député Dominique Lefebvre (LR) quand il se plaignait du lobbying intense de SICPA à l’Assemblée nationale. Pour se dédouaner, le secrétaire d’État au Budget Christian Eckert déclarait qu’il n’avait, pour sa part, aucun intérêt de ce côté. Une déclaration lourde d’insinuations.
Ces soupçons sont d’autant plus fondés que SICPA est mise en cause au Brésil pour avoir versé plus de 30 millions d’euros de pots de vin afin de s’assurer du contrôle de l’ensemble de la traçabilité de l’alcool dans ce pays. SICPA est également accusée par le Maroc d’avoir facturé 15 fois plus cher ses services qu’à la Tunisie proche, à prestations égales.
Le moins que l’on puisse attendre de Le Roux, c’est donc qu’il clarifie ses motivations : pourquoi est-il si catégorique sur la nécessité de confier l’ensemble de la traçabilité à cet opérateur indépendant ?
Et le moins que l’on puisse dire de sa « mise au clair » en réponse à nos questions, c’est justement qu’elle n’a pas été claire du tout :
@ObsGaspillages jamais eu le moindre conflit d’intérêt.Sur traçabilité je veux appel d’offre public,transparent,indépendant. Clair!
— Bruno Le Roux (@BrunoLeRoux) 17 Novembre 2015
Ce qui m’intrigue est que nos représentants soient censés être compétents sur de tels détails techniques de l’assurance qualité. Il y a dans l’administration des services dont c’est le métier, et qui ont surement un avis plus raisonné.
Evidemment si l’on a pas confiance dans ces services, ce problème se pose, mais alors il faut mieux les contrôler ou les supprimer en faisant confiance à l’Europe. Le rôle de nos représentants est décidemment bizarre.