Hollande veut faire une « pause fiscale »
C’est une figure imposée, un peu couleur de deuil, synonyme de fin des grandes illusions, de gauche qui rend les armes, renonce à ce qu’elle aimerait être, se prépare à quitter le pouvoir, qu’elle serait condamnée à ne pas exercer dans la durée.
Léon Blum l’a popularisée le premier. En février 1937, il annonce la « pause dans les réformes » et sonne le glas d’un Front populaire qui, en l’espace de quelques mois, a révolutionné le pays. Le 29 novembre 1981, Jacques Delors reprend en écho « Il faut faire une pause dans l’annonce des réformes« . Le ministre de l’ Economie et des Finances de Pierre Mauroy siffle la fin du mitterrandisme flamboyant et dispendieux, et annonce l’ouverture de la « parenthèse » de la rigueur, que la gauche ne refermera jamais.
22 ans plus tard, Hollande entonne à son tour le refrain et annonce une « pause fiscale« . Après Blum et Delors, le voici qui entre dans l’histoire des hommes qui savent dire stop. La droite, qui a beaucoup augmenté les impôts sous Sarkozy, applaudit: la pause, ça pose son homme. Surtout auprès de tous ceux que la gauche effraie. Hollande, ainsi, s’impose en promettant de ne plus trop imposer. Malin.
Comme son ministre de l’ Economie, il redoute le « ras-le-bol fiscal » des Français, qui se sont mangé 84 nouveaux impôts en 2 ans, et la grève de l’impôt, censé assurer le bon fonctionnement de la redistribution chère aux socialistes. L’homme qui promettait une grande réforme permettant la fusion de l’ impôt sur le revenu et de la CSG baisse les bras. Pas si loin de Fabius, qui, le 25 août 1999, se ralliait à l’orthodoxie libérale en matière de baisse d’ impôts: « La gauche ne court pas beaucoup de risques d’être battue par la droite, mais elle peut l’être par les impôts et par les charges« . Charge visionnaire: Jospin baissera les 2 et sera battu à la présidentielle par Chirac, adepte du « moins d’impôts »…
Aujourd’hui la pause s’impose-t-elle ? Oui, si l’on en croit Bruxelles et Jean-Louis Borloo qui menaçait de lancer une pétition citoyenne pour obtenir un moratoire fiscal ( voir Borloo réclame un moratoire fiscal). Un moratoire, c’est comme une pause, mais en moins lourd de sens, à gauche. La question désormais est bien de savoir si Hollande a les moyens de sa pose au côté des grands ancêtres du socialisme ?
Article extrait du Canard enchaîné du 04/09/13