Lyon : la comptable se servait dans l’assiette des retraités
La ville de Lyon devait voter au prochain conseil municipal la reconduction d’une convention qui la lie à une association. Depuis une dizaine d’années, l’union gestion des foyers restaurants lyonnais (UGFRL) livre ou sert un millier de repas par jour en moyenne pour les personnes âgées de la ville, et la ville finance en partie. Mais voilà. Depuis quelques semaines, la police enquête car la comptable de cette association est soupçonnée de piquer dans la caisse, peut-être depuis dix ans, pour des montants qui atteindraient 200 à 300.000 euros…
L’union a été créée en juin 1997, pour livrer ses premiers repas en 1998. Raymond Barre était encore maire de Lyon. Réputée proche de la droite locale, l’association a vu sa convention reconduite par la gauche depuis 2001, le travail donnant satisfaction. Les Lyonnais âgés de plus de 60 ans peuvent commander leurs repas pour le lendemain. Puis les valides sont accueillis dans les résidences municipales qui disposent de restaurants, et dans l’un des quatre foyers-restaurants gérés par l’UGFRL. Les autres sont livrés chez eux par des bénévoles, ce qui permet d’entretenir le lien avec les isolés. Les repas coûtant environ 8 euros dans les restaurants, 9 à domicile, la ville verse une subvention de 150.000 euros à l’association, et met à disposition les locaux des foyers restaurants, dont elle paie les fluides. L’ensemble représente pour la collectivité plus de 210.000 euros par an.
En 2004, l’association a connu de sérieuses difficultés financières. Un plan de redressement et un comité de suivi ont alors été mis en place, avec des représentants de la ville. Personne n’a détecté la moindre anomalie. Ce n’est qu’à l’automne dernier que de curieux virements ont été remarqués dans la comptabilité. Deux audits ont été réalisés, et deux experts-comptables ont découvert qu’entre janvier et novembre 2008, neuf virements suspects avaient été réalisés, pour un montant d’environ 3.000 euros par mois. Des prestations fictives étaient inscrites dans la comptabilité de l’association, avec des paiements indiqués « par chèque », dont les numéros étaient eux-aussi fictifs. En remontant plus loin, les experts ont retrouvé 36 opérations similaires entre 2005 et 2008, pour 95.000 euros. Pour les années précédentes, des investigations sont en cours.
La comptable aurait par ailleurs détourné ses subventions d’un organisme spécialisé dans le paiement d’aides publiques. Elle se serait fait virer les « trop-perçus », qui n’étaient pas remboursables à l’organisme. Pour 2003 par exemple, cela représenterait 58.510 euros. L’Union gestion a écrit en décembre à sa banque, pour connaître le nom du bénéficiaire de tous ces virements. On lui a répondu que c’était sa comptable, qui se faisait tout simplement virer tout cela sur son compte courant.
L’employée a été licenciée pour faute grave et elle aurait effectué un premier remboursement. La présidente de l’association, Marie Mazion, refuse de confirmer le reste. « Je n’ai rien à vous dire, coupe-t-elle sèchement. Nous sommes victimes d’une malversation et cela n’intéresse pas la presse. » Ben si. Son association a porté plainte le 30 décembre, et son avocat, Jérôme Novel, a remis un rapport détaillé au parquet de Lyon. Une enquête est en cours.
La municipalité hésite désormais sur la conduite à tenir. La reconduction de la convention avec l’UGFRL devait être votée le 23 février prochain. Le dossier a été prudemment retiré de l’ordre du jour.
Source: libération.fr