Le 19/08/2013

Le gaspillage de la vidéosurveillance à Nice

En Mars 2010, devant un mur de 14 écrans géants, le maire de Nice Christian Estrosi présente, tout fiérot, son nouveau réseau de vidéosurveillance. Non seulement c’est le plus imposant de France, avec aujourd’hui 750 caméras, soit « 10 caméras au km² », la plupart dotées d’un puissant zoom, orientables à 360 degrés et dissimulées derrière un […]

En Mars 2010, devant un mur de 14 écrans géants, le maire de Nice présente, tout fiérot, son nouveau réseau de vidéosurveillance.

Le gaspillage de la vidéosurveillance à NiceNon seulement c’est le plus imposant de France, avec aujourd’hui 750 caméras, soit « 10 caméras au km² », la plupart dotées d’un puissant zoom, orientables à 360 degrés et dissimulées derrière un globe opaque, mais en plus une centaine d’entre elles sont censées exercer une « vidéosurveillance intelligente » (VSI). Quèsaco ?

La VSI part du principe que l’on peut agir avant que ne survienne le pire – une logique « proactive », comme on dit dans le business sécuritaire. Ce qui consiste à équiper les caméras de progiciels capables, ô miracle, d’alerter les agents en cas de « comportements suspects » filmés en direct. La propagande municipale niçoise vante ainsi la capacité du réseau à « détecter automatiquement et en temps réel, à partir des flux vidéo issus des caméras de vidéoprotection, tout comportement « anormal » qui aura été défini et programmé au préalable ».

Mais – comme c’est curieux – les statistiques sont muettes quant à son efficacité. La mairie de Nice ne fournit que le nombre d’interpellations qu’auraient permises les caméras ( soit un peu plus de 1300 depuis leur mise en place en 2010, dont 610 en 2012). Seule précision: le système déclenche « environ une vingtaine d’alertes par jour pour des intrusions, maraudages ou attroupements », dixit la mairie de Nice. Sans distinguer les fausses alertes des vraies. Et sans préciser en quoi un « attroupement » peut être désigné comme « suspect » a priori.

Maître d’oeuvre de cette vidéosurveillance ? L’ Institut national de recherche en informatique et automatique ( Inria), le temple français des « sciences du numérique ». Un institut public qui a toujours su adapter son offre à la forte demande de technologies policières.

En réalité, la caméra intelligente ne fait qu’améliorer le banal principe du détecteur de mouvements: repérer des intrusions nocturnes dans des zones bien définies, voire identifier comme colis suspect toute forme immobile dans un espace donné. Mais, dans l’espace public, son gros problème est, encore et toujours, sa marge d’erreur. Ce qui explique que même la RATP ne pavoise pas et explique qu’elle n’utilise « aucun système expert » dans son énorme réseau de caméras. « Pas assez fiable », susurre un porte-parole.

L’un des derniers projets français cajolé par Thales, baptisé CAnADA ( Comportements anormaux: analyse, détection, alerte) a englouti près de 1 million d’euros en 3 ans. Sans aboutir au moindre début de logiciel. « De même qu’il n’y a pas de critère universel de la dangerosité ou de la menace, réelle et immédiate, explique un ingénieur impliqué dans ce projet, il n’est pas possible de déterminer, de manière concrète et objective, les gains sociaux revendiqués par les pourvoyeurs de vidéosurveillance ». L’essentiel, comme le résume un sociologue, « c’est de dire qu’on travaille sur cette approche « intelligente », ça rassure le public ». Les caméras ont pourtant un QI de moineau…

Article extrait du Canard enchaîné du  13/08/13

Publié par Rédaction le 19/08/13

Print Friendly, PDF & Email

Articles relatifs

Cet article est taggé dans: ,

Poster votre réaction

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.