La Région Poitou-Charentes s’acharne pour récupérer 250 000 euros
La Région Poitou-Charentes réclame depuis 2004 une subvention octroyée à un patron de Condéon condamné pour escroquerie. Après deux échecs, elle veut un troisième procès .
Avec un second pourvoi en cassation pour espérer un troisième passage devant la cour d’appel, la région Poitou-Charentes ne veut pas lâcher le morceau d’un quart de millions d’euros. Elle avait avancé la somme en 2002 au chef d’entreprise Philippe Beaurin qui lançait à La Rochelle la société Filactiv, spécialisée dans la diffusion d’informations touristiques via les téléphones portables notamment.
Mais la communication s’est rapidement brouillée. Au point de voir la société déposer le bilan en octobre 2003, un an à peine après la perception de la subvention. Très loin de la volonté de «contribuer efficacement à la création de [son] entreprise», comme lui écrivait le 25 septembre 2002, la présidente de l’époque, Elisabeth Morin, en avançant ces 250.000 euros d’aides publiques. «Je n’avais pas demandé de somme précise: c’était donc une agréable surprise de recevoir une telle somme remboursable au bout de trois ans et sans intérêts», explique Philippe Beaurin, désormais à la retraite dans la maison familiale de Condéon. Mais l’«agréable surprise» s’est transformée en soupe à la grimace. Pour la collectivité comme pour le patron. La liquidation judiciaire prononcée dès janvier 2004 a rapidement mis au jour de nombreuses irrégularités. Car ce patron de 62 ans n’est pas une oie blanche. Il le reconnaît d’ailleurs. «Je la joue profil bas.»
Quinze mois avec sursis pour «escroquerie»
Condamné après cette liquidation à trois mois de prison ferme pour «escroquerie» par le tribunal correctionnel de La Rochelle en novembre 2005, il a vu sa peine commuée en quinze mois de prison avec sursis devant la cour d’appel de Poitiers en mars 2007. Philippe Beaurin avait notamment reconnu la fabrication de fausses factures, déterminantes pour justifier l’avance. La justice lui reprochait aussi d’avoir violé une décision du tribunal de commerce d’Evry. Il avait été condamné à cinq ans d’interdiction de gérer pour la faillite d’une précédente entreprise de conseil en management, en février 2001. Et d’après l’enquête du Service régional de police judiciaire d’Orléans, il gérait de fait sa société même si sa femme occupait officiellement le poste de P-DG. «Je ne remets pas en cause les décisions de justice à mon encontre. Mais je refuse l’acharnement politique de Ségolène Royal», explique Philippe Beaurin.
La Région s’était rapidement mise sur le banc des parties civiles pour récupérer son argent, estimant que Filactiv SA était en fait «une coquille vide». Sitôt après son arrivée à la présidence du Poitou-Charentes en mars 2004, Ségolène Royal avait fait réaliser un audit de gestion de la précédente majorité. Découvrant cette subvention pour un patron finalement «peu fiable» comme le dit aujourd’hui le directeur général des services, Jean-Luc Fulachier, la collectivité avait poursuivi le patron devant la justice pour se faire rembourser cette avance inscrite dans le cadre du Contrat de croissance entreprise-régions.
Deuxième pourvoi en cassation demandé en avril
Et elle avait gagné, du moins au premier procès à La Rochelle. Au-delà de la condamnation pénale à trois mois ferme, l’ancien directeur du développement du secrétariat d’Etat au tourisme à la fin des années 90 devait également rembourser les 250.000 euros, devant cette fois la justice civile. Sauf que la cour d’appel de Poitiers a déclaré ensuite «irrecevable la constitution de partie civile». La Région est en fait considérée comme une simple créancière, la procédure de liquidation n’étant pas clôturée, alors qu’aucune action personnelle contre Philippe Beaurin n’a été engagée.
Mais la Région a obtenu l’annulation de ce jugement. En mars 2008, la Cour de cassation de Paris demande la révision du procès. Cette fois, c’est en appel mais à Bordeaux que la collectivité est à nouveau déboutée de sa demande, le 10 avril dernier. Mais cinq jours plus tard, un nouveau pourvoi en cassation est envoyé. «Ce n’est pas du tout une question d’ordre politique, insiste Jean-Luc Fulachier, le directeur général des services. On essaie juste d’utiliser tous les moyens à notre disposition pour défendre les intérêts de la Région et de ses contribuables.»
Même si finalement, cet interminable feuilleton économico-judiciaire risque bien d’être un investissement sans beaucoup de retombées pour le Poitou-Charentes. Les procédures judiciaires ayant coûté «environ 35.000 euros» à Philippe Beaurin, selon son propre aveu, la Région a dû elle aussi investir quelques milliers d’euros de frais de justice. Et, à moins d’un revirement inattendu lors du troisième passage – éventuel – devant une cour d’appel, la subvention risque bien de ne jamais revenir dans les caisses régionales.
Article extrait de Charente-Libre