Collectivités locales : les subventions les plus délirantes
Avec des budgets en forte croissance, les collectivités locales sont devenues les principaux distributeurs de subventions.
Normal, après tout, la gestion des routes et du RSA, des transports collectifs ou des lycées, par exemple, est un gros morceau à financer. Ce que l’on sait moins, c’est qu’elles distribuent aussi tout un tas de subventions éclectiques, pour ne pas dire exotiques, dont la liste ferait le bonheur de Jean-Pierre Pernaut, autoproclamé chasseur de gaspi à TFl avec son émission «Combien ça coûte», s’il se penchait sur la question.
Absurdités et commodités
Mention très bien avec les félicitations du jury à l’Ile-de-France, qui, avec un budget de 60 millions d’euros, place au premier rang des subventions les aides aux entreprises. Et, en sus, palme de l’originalité intellectuelle , à la région, qui soutient les thésards sans craindre le ridicule.
Cinq thèses ont ainsi reçu chacune un petit pécule de 7 500 Euros, avec des sujets pourtant a priori très éloignés des préoccupations locales.
L’une d’entre elles traite de «la perception des accords et des discours internationaux sur le commerce et la formation en… Tanzanie». Une autre de «la transformation des formes d’autorité chez les Inuits du Nounavik et l’émergence de la figure politique au XXe siècle». Plus proche, géographiquement en tout cas, une thèse s’intéresse à «l’ascension et [au] déclin du mouvement spontanéiste armé en Italie (1977-1982)», une autre, en musicologie, se penche sur les mouvements dissidents en Tchécoslovaquie. Plus tirée par les cheveux, enfin, une indispensable «histoire de la chevelure et de la pilosité: perceptions et pratique en France aux XVIe-XVIIIe siècles».
Encouragements pour sa créativité au Limousin, qui dote de 20 000 Euros la Société française d’odonatologie (SFO), bucolique barbarisme qui cache l’étude… des libellules. Marianne ne peut qu’encourager ses lecteurs à faire un tour sur le site Internet de l’association pour tout apprendre de la vie, la mort et l’oeuvre des demoiselles et autres agrions, et de leurs prédateurs (11 planqués à Paris, mais 55 logés en Seine-et-Marne). Ne riez pas, les défenseurs de la SFO arguent que la libellule, insecte très fragile, est un bon indicateur pour déterminer le niveau de biodiversité…
Tableau d’honneur pour les Hauts-de-Seine, le département le plus riche de France, dirigé depuis toujours par la droite, qui vient de doter de 500 000 Euros le Fonds arménien de France. Doit-il en remercier le président du conseil général, Patrick Devedjian, accessoirement ministre de la Relance? Quoi qu’il en soit, cette somme devrait permettre de financer la modernisation de l’agriculture de cette petite république du Caucase, notamment la réhabilitation du réseau d’irrigation et la mise en place d’un centre de collecte de lait. En votant cette subvention à l’unanimité, le conseil général a fait de l’Arménie le quatrième pays de son programme de lutte contre la faim et la pauvreté, après le Cambodge, le Mali et Haïti.
Mais contre la faim, ces élus régionaux et leurs proches collaborateurs savent aussi prendre soin de leur propre estomac.
Au Ruban bleu, le restaurant nanterrois qu’affectionnent les édiles, on lutte ardemment contre le dérapage des prix alimentaires. Pour la modique somme de 13,41 Euros, on s’y régale d’un repas gastronomique dont le prix réel est près de 10 fois supérieur: 122 Euros, selon la chambre régionale de la Cour des comptes! Le tout servi dans un cadre sélect, avec un service digne d’un trois-étoiles. On comprend l’attachement des élus à cette cantine qui leur sert quelque 20 000 repas par an.
Résultat, le conseil général doit subventionner le restaurant à hauteur de 1,5 million d’euros. Inauguré par Charles Pasqua, longtemps maître des lieux et qui continue de le fréquenter, le Ruban bleu accueille régulièrement Jean Sarkozy, souvent accompagné de ses deux mentors, Isabelle et Patrick Balkany.
Quand c’est vraiment louche…
Au Ruban bleu, on ne pourra pourtant pas admirer les 192 tableaux que le promoteur Jean Hamon a offerts au département et à la mairie d’Issy-les-Moulineaux
Ces oeuvres, parmi lesquelles on compte des Boltanski et autres Viallat, dorment au fond d’une cave dans l’attente d’un musée digne de leur splendeur. Condition de la donation, ce musée reste pour l’heure dans les cartons, mais pèse déjà lourdement dans le budget du département. Entre les projets de faisabilité sur la chiquissime île Saint-Germain et l’étrange rétribution d’Hamon, mécène cachetonné à 120 000 Euros par an pour ses conseils, la note atteint déjà 7 millions d’euros, selon la chambre régionale des comptes, qui a alerté le parquet de Versailles.
Article extrait de Marianne du 09 mai 2009
Subventions : les perles du conseil régional d’Île-de-France (1)